La cathédrale et nous

V

Nous prîmes notre petit déjeuner dans un de ces modestes hôtels de province qui ne méritent même pas le nom d'auberge, tant ils sont peu pittoresques.

À la table voisine de la nôtre, trois commis-voyageurs riaient en se racontant leurs dernières aventures avec les bonniches de l'endroit ; ils nous consternaient ! Chaque parole troublait un peu plus la merveilleuse atmosphère dans laquelle depuis deux heures nous vivions.

« Je pense – dis-je – à cette table d'hôte dans le jardin de Bérénice, où les voyageurs de commerce racontent avoir vu les oubliettes que Saint Louis destinait aux protestants !

Gilbert

« Et tous reprirent en chœur : « Mes amis, nous avons la République, gardons-là bien. »

Alain

Mon Dieu ! Ces gens ne se faisaient pas du Moyen-Age une idée beaucoup plus sotte ni beaucoup plus fausse que Michelet.

La conversation retomba. Si nous retournions à la Cathédrale, dit Marc, en repoussant son assiette ; Vitalis doit y être déjà depuis un moment.

Gilbert

Qu'il est heureux notre Vitalis ! Je l'ai rarement vu si exalté.

Alain

Cela lui arrive pourtant quelquefois !

Moi

Quel curieux garçon, avec son air de jeune fille bien sage, ses cheveux blonds et ses yeux clairs il ne paraît pas extrêmement intelligent... Pourtant chacun de ses propos révèle un univers à nos méditations... Elle m'ouvre des horizons cette phrase qu'il a dit tout à l'heure : « Maintenant que tout s'écroule peut-être est-ce le lien où apprendre à reconstruire ».

Alain

C'est une idée sur laquelle il aime revenir...je me rappelle qu'il me confia, un soir que nous étions restés très tard à lire Sainte Catherine de Sienne : « Nous sommes à l'aurore d'un autre Moyen-Age. »